L'Annonciation de Pâris Bordone

L’Annonciation

L’Annonciation


Un effort est nécessaire pour reconnaître dans cette toile une Annonciation. Marie, au premier plan à droite, curieusement déséquilibrée – et aux mains trop grandes – , regarde en direction de la lointaine et aérienne figure de l’Ange Gabriel que notre œil a fini par découvrir. C’est qu’attiré par l’extraordinaire creusement perspectif de l’architecture, le spectateur a sans doute négligé de prendre en compte Le format du tableau à l’extrémité gauche duquel, perdu dans le lointain, Gabriel est apparu. Étonnante composition de l’artiste qui a voulu que le spectateur se pénètre de l’idée que l’Annonciation, avant d’être le spectacle d’un échange entre une jeune fille et un ange, est d’abord celui d’une surprise, dont la Vierge accuse le coup. Surprise à nos yeux d’autant plus surprenante qu’il nous a fallu en débusquer l’origine. Autrement dit, en maniériste soucieux de ménager ses effets, Bordone a désiré que de la conséquence – Marie dans tous ses états – nous remontions jusqu’à la cause – la discrète mais bouleversante arrivée de Gabriel.


À l’étage de cet étrange édifice, deux personnages minuscules observent la scène. À l’instar de David guettant Bethsabée ou des Vieillards épiant Suzanne, ils constituent un point de vue à partir duquel le tableau semble dire, par contraste, la sainteté de la doctrine chrétienne : ne peut-on avancer, en effet, que ces voyeurs, cachés dans ce palais aux païennes sculptures, regardent, incrédules, le colloque sacré, tandis qu’à l’opposite de ces derniers, les croyants, face à la toile, se sont faits contemplateurs ?